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Pour les beaux yeux d’un caillou
Le go est une énigme vivante. Ce jeu de cailloux deux
fois millénaires exerce une telle fascination qu’une
poignée de dévots est prête à faire
des centaines de kilomètres pour disputer un tournoi
national. C’était ce week-end, au chateau de Theix,
à Saint-Genès-Champanelle.
Comme dirait l'autre, " mais qu'est-ce qui peut bien
faire courir un joueur de go? " Pas l'appât du
gain, les récompenses d'un tournoi national, comme
celui qui s'est déroulé tout le week-end au
chateau de Theix, près de Saint-Genès-Champanelle,
sont du genre symbolique. Pas la notoriété publique
non plus, le go se pratiquant loin des foules ébahies
par les performances des champions.
Mais alors quoi? Et bien c'est simple, vous répondrait
Bernard Brémond, joueur de go et organisateur de ce
tournoi avec ses compères du club de Clermont. Ce qui
a poussé une soixantaine de joueurs àvenir de
toute la France tient en un mots : " C-o-n-v-i-v-i-a-l-i-t-é
".
Les joueurs s'installent partout, à commencer par
la vingtaine de tables qui servent pour les parties officielles.
Mais aussi dans le réfectoire, les dortoirs, les couloirs.
Pendant 48 heures, les joueurs ne quittent pas des yeux les
petits cailloux en forme de galets noirs et blancs qui servent
de pions. Pendant 48 heures, ils pensent go, agissent go,
sont go.

Entre deux tasses de café, on refait les parties,
on les commente, on en profite pour faire connaissance, apprécier
le cadre reposant du château de Theix.
Une anecdote à six heures du matin, certains joueurs
n avaient toujours pas fini de disputer une partie, alors
qu'ils venaient de " bouffer " du caillou pendant
trois parties de tournoi. En théorie, la durée
d'une partie peut aller jusqu'à.., deux heures. Pas
étonnant que l'accessoire préfére du
joueur de go soit le paquet de cigarettes ou la choppe de
bière...
Trêve de plaisanterie pour bon nombre de joueurs, les
parties sont intenses. Le décor est réduit au
minimum une table, deux chaises, les adversaires et, au milieu,
une surface plane cadrillée, le goban. Le principe
est tout aussi simple à l'aide des pions, il s'agit
de couvrir la plus grande surface possible du goban avant
son adversaire.
" Le go demande une vision globale, intuitive de la situation,
plutôt que combinatoire comme les échecs. Il
n'y a pas une solution précise pour un problème,
mais plusieurs solutions possibles. Le go est un jeu de société
fondamentalement humain ", explique en connaisseur Frédéric
Renaud, l'un des meilleurs joueurs de go français.
En voie de démocratisation
La première preuve de l'existence du go est apparue
en Chine, voici 2.000 ans. Adopté et développé
par les Japonais, ce jeu de concentration et de patience connaîtra
la consécration en devenant l'un des quatre arts majeurs,
à l'instar de la poésie, de la calligraphie
et de l'art floral. La pratique du go est alors une marque
de " savoir vivre ".
De nos jours, le go est encore très répandu
en Chine, au Japon ou en Corée où le jeu est
aussi populaire que le football en Europe. Autres moeurs,
autre état d'esprit, la France ne compte qu'un petit
millier de licenciés, dont très peu de femmes,
puiqu'elles représentent 10 à 15 % des effectifs.
Les ventes de jeux de go s'élèvent à
20.000 par an, signe d'une démocratisation certaine.
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