Revue De Presse

 

La Montagne - 12 décembre 1999

 

Le go est lent, mais l'esprit vif

Les joueurs de go ne se la jouent pas. Sport éminemment cérébral mais pratiqué de manière très conviviale, ce jeu de stratégie donne lieu chaque automne au Tournoi national de Clermont-Fd, dernière épreuve de la saison. Il se termine en fin d'après-midi aujourd'hui à Theix.

Dans ce jeu de remue-méninges, les expressions ne sont guère figées. On peut même se montrer carrément goguenard

A la fois simple et compliqué, le jeu de go possède toute la finesse de l'Orient. Métaphore de la force dissuasive, inspirateur du langage informatique, illustratif de la façon dont on structure et gère un territoire, le go a de quoi fasciner. Sur cette grille de dix-neuf lignes horizontales et autant de verticales se jouent des parties homériques où les pierres, noires ou blanches, sont autant de jalons que place, une fois pour toute, chaque joueur.

Placée à chaque intersection, aucune pierre n'est mobile, chacune marque une limite territoriale en deçà de laquelle toute pierre adverse devra être neutralisée, étouffée, absorbée, leucocytée. Dans le même temps, on s'efforcera de pousser les limites du territoire, pierre à pierre, comme se bâtit un empire, jusqu'au ventre mou du go-ban (cette sorte d'échiquier spécifique au jeu de go), cette sorte d'empire du milieu. Ce jeu n'est-il pas originaire de Chine, même si, aujourd'hui, les meilleurs joueurs sont japonais et coréens?

C'est la force du nombre qui prime ici, chaque pièce ne comptant pas plus qu'une autre. Point de hiérarchie dans ce monde là, si ce n'est parmi les joueurs qui sont eux, savamment classés, à l'instar des adeptes des arts martiaux : six degrés inférieurs (kyu), neuf degrés supérieurs (dan).

Aussi égalitaire que possible, ce jeu se pratique même avec handicap, le meilleur joueur rendant parfois jusqu'à neuf pierres à son adversaire.

Ce jeu de stratégie qui privilégie l'encerclement plutôt que l'incursion se pratique de manière moins compassée que les échecs, autre jeu de haute volée cérébrale. Le bruit n'est pas indésirable, la convivialité n'est pas exclue, le détachement témoigne d'une certaine élégance, et l'autodérision est une marque d'esprit.
Preuve en est donnée dans le Tournoi national de go de Clermont-Ferrand qui en est à sa septième édition. Organisé par le Graug, acronyme de Groupe auvergnat de go, ce tournoi d'automne conclut chaque année la saison qui comporte une vingtaine de tournois nationaux. Une fois encore, le Graug a donné rendez-vous aux compétiteurs de la France entière qui auront été soixante-dix (dont dix femmes) à converger en Auvergne, plus précisément au château de Theix (Saint-Genès-Champanelle). Un tournoi assez relevé puisque le plus élevé des joueurs présent est tout de même 4e dan.

DANS LES BARS ET LES ÉCOLES

Repartis en trois catégories, ils sont venus jouer cinq parties d'une heure (avec éventuellement des prolongations), certains cherchant à améliorer leur classement dans la hiérarchie, d'autres cherchant à se frotter à de nouveaux partenaires susceptibles de les faire progresser. Les jeunes, parfois, accomplissent des progrès fulgurants en une saison à peine.

Alors, c'est bien un motif de satisfaction pour l'équipe de Bernard Brémond, président du Graug. Une équipe très attachée au bon déroulement du tournoi, mais aussi aux à-côtés. Très largement partagé, le sens de la fête est tel dans ce milieu que le profane pourrait se croire dans une troisième mi-temps de rugby! Bref, on sait être cérébral sans se prendre la tête.

Ce n'est pas la moindre séduction de ce sport cérébral que d'alterner concentration et détente, stratégie et délassement. Et ce n'est pas seulement pour les grandes occasions, puisque le Graug aime favoriser la pratique du go dans des lieux publics. Chaque lundi à 19 heures, en effet, il se réunit au café-lecture Les Augustes (rue Sous-les-Augustins, à Clermont-Fd), et chaque mercredi à 19 heures au Drop (boulevard Trudaine).

Tournoi ou pas, les adeptes du go sont toujours prêts à se montrer prosélytes, et les profanes seront encore les bienvenus aujourd'hui au château de Theix (de 10 heures à 16 heures), où les organisateurs seront prêts à conduire des parties d'initiation (gratuites). Certains visiteurs trouveront peut-être là une idée de cadeau de Noël susceptible de marquer toute une vie, de développer un esprit et de forger une personnalité.

Mieux, l'intérêt que présente le jeu de go en matière de gymnastique des neurones est tel que le système éducatif n'est pas hostile à son irruption en milieu scolaire. A la rentrée prochaine, des interventions devraient avoir lieu au lycée Virlojeux (Riom), et éventuellement dans les écoles primaires.