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Le go est lent, mais l'esprit vif
Les joueurs de go ne se la jouent pas. Sport éminemment
cérébral mais pratiqué de manière
très conviviale, ce jeu de stratégie donne lieu
chaque automne au Tournoi national de Clermont-Fd, dernière
épreuve de la saison. Il se termine en fin d'après-midi
aujourd'hui à Theix.

A la fois simple et compliqué, le jeu de go possède
toute la finesse de l'Orient. Métaphore de la force
dissuasive, inspirateur du langage informatique, illustratif
de la façon dont on structure et gère un territoire,
le go a de quoi fasciner. Sur cette grille de dix-neuf lignes
horizontales et autant de verticales se jouent des parties
homériques où les pierres, noires ou blanches,
sont autant de jalons que place, une fois pour toute, chaque
joueur.
Placée à chaque intersection, aucune pierre
n'est mobile, chacune marque une limite territoriale en deçà
de laquelle toute pierre adverse devra être neutralisée,
étouffée, absorbée, leucocytée.
Dans le même temps, on s'efforcera de pousser les limites
du territoire, pierre à pierre, comme se bâtit
un empire, jusqu'au ventre mou du go-ban (cette sorte d'échiquier
spécifique au jeu de go), cette sorte d'empire du milieu.
Ce jeu n'est-il pas originaire de Chine, même si, aujourd'hui,
les meilleurs joueurs sont japonais et coréens?
C'est la force du nombre qui prime ici, chaque pièce
ne comptant pas plus qu'une autre. Point de hiérarchie
dans ce monde là, si ce n'est parmi les joueurs qui
sont eux, savamment classés, à l'instar des
adeptes des arts martiaux : six degrés inférieurs
(kyu), neuf degrés supérieurs (dan).
Aussi égalitaire que possible, ce jeu se pratique
même avec handicap, le meilleur joueur rendant parfois
jusqu'à neuf pierres à son adversaire.
Ce jeu de stratégie qui privilégie l'encerclement
plutôt que l'incursion se pratique de manière
moins compassée que les échecs, autre jeu de
haute volée cérébrale. Le bruit n'est
pas indésirable, la convivialité n'est pas exclue,
le détachement témoigne d'une certaine élégance,
et l'autodérision est une marque d'esprit.
Preuve en est donnée dans le Tournoi national de go
de Clermont-Ferrand qui en est à sa septième
édition. Organisé par le Graug, acronyme de
Groupe auvergnat de go, ce tournoi d'automne conclut chaque
année la saison qui comporte une vingtaine de tournois
nationaux. Une fois encore, le Graug a donné rendez-vous
aux compétiteurs de la France entière qui auront
été soixante-dix (dont dix femmes) à
converger en Auvergne, plus précisément au château
de Theix (Saint-Genès-Champanelle). Un tournoi assez
relevé puisque le plus élevé des joueurs
présent est tout de même 4e dan.
DANS LES BARS ET LES ÉCOLES
Repartis en trois catégories, ils sont venus jouer
cinq parties d'une heure (avec éventuellement des prolongations),
certains cherchant à améliorer leur classement
dans la hiérarchie, d'autres cherchant à se
frotter à de nouveaux partenaires susceptibles de les
faire progresser. Les jeunes, parfois, accomplissent des progrès
fulgurants en une saison à peine.
Alors, c'est bien un motif de satisfaction pour l'équipe
de Bernard Brémond, président du Graug. Une
équipe très attachée au bon déroulement
du tournoi, mais aussi aux à-côtés. Très
largement partagé, le sens de la fête est tel
dans ce milieu que le profane pourrait se croire dans une
troisième mi-temps de rugby! Bref, on sait être
cérébral sans se prendre la tête.
Ce n'est pas la moindre séduction de ce sport cérébral
que d'alterner concentration et détente, stratégie
et délassement. Et ce n'est pas seulement pour les
grandes occasions, puisque le Graug aime favoriser la pratique
du go dans des lieux publics. Chaque lundi à 19 heures,
en effet, il se réunit au café-lecture Les Augustes
(rue Sous-les-Augustins, à Clermont-Fd), et chaque
mercredi à 19 heures au Drop (boulevard Trudaine).
Tournoi ou pas, les adeptes du go sont toujours prêts
à se montrer prosélytes, et les profanes seront
encore les bienvenus aujourd'hui au château de Theix
(de 10 heures à 16 heures), où les organisateurs
seront prêts à conduire des parties d'initiation
(gratuites). Certains visiteurs trouveront peut-être
là une idée de cadeau de Noël susceptible
de marquer toute une vie, de développer un esprit et
de forger une personnalité.
Mieux, l'intérêt que présente le jeu
de go en matière de gymnastique des neurones est tel
que le système éducatif n'est pas hostile à
son irruption en milieu scolaire. A la rentrée prochaine,
des interventions devraient avoir lieu au lycée Virlojeux
(Riom), et éventuellement dans les écoles primaires.
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